Centre nantais de sociologie

"Le capital politique des agriculteurs entre déclin, résistance et conversion. Le cas des maires agriculteurs dans les Deux-Sèvres". Thèse de Philippe Bidet-Emeriau

Philippe BIDET-EMERIAU, doctorant au CENS, a soutenu sa thèse le 27 mai 2015.

  • Vous venez de soutenir votre thèse de doctorat, pouvez-vous nous présenter cette recherche ?

Alors qu'en France la proportion des agriculteurs  est passée de 20% des actifs totaux en 1960 à seulement 1.4% en 2014, celle des maires agriculteurs est passée de 50% à 15%. Cette baisse des maires agriculteurs, nettement moins forte en proportion, m'a conduit à en rechercher les causes dans leurs modalités d'exercice de leur métier - en relation avec leur sphère familiale -, dans leur engagement professionnel et dans leur insertion dans la société locale, ainsi qu'en mesurant le poids de leur héritage politique.

L'étude de ce phénomène a été conduite sur la période de 1983 à 2012, dans le département des Deux-Sèvres, en mobilisant trois méthodes d'étude : une analyse de la population des maires ruraux de 1983 à 2012, en essayant autant que faire se peut de comparer la sous-population des agriculteurs aux moyennes ; une enquête conduite par questionnaire postal auprès de tous les maires agriculteurs en cours de mandat de 2001 à 2012 (90 % de taux de réponse)  ; trente  interviews semi-directifs avec des maires agriculteurs représentant la diversité de cette population.

Si le capital d'autochtonie est largement obsolète pour constituer un capital politique local, des engagements professionnels et associatifs préalables et enfin le capital économique d'exploitation agricole s'avèrent les plus déterminants pour le constituer. Le rôle de l'engagement de la parentèle dans la vie politique locale demeure aussi un héritage qui continue de  compter.

Outre les ressources matérielles qu'elles procurent, ces différentes formes de capital correspondent, d'une part, à des compétences de management d'entreprise et d'organisation  d'actions collectives et d'autre part, à des ressources relationnelles diverses : avec des pairs et des habitants de la commune, bien sûr, mais aussi avec des entrepreneurs, des responsables d'administrations. Et la formation initiale joue aussi un rôle croissant pour accéder au mandat local, mais surtout intercommunal : au départ lié à l'expérience militante, le capital scolaire est désormais attaché à l'obtention de diplôme d'enseignement supérieur, professionnel agricole ou autre. Ainsi les maires agriculteurs ne présentent pas un profil homogène et j'ai pu montrer quatre types qui se distinguent sur fond de capital scolaire et d'accès à des responsabilités professionnelles supra-locales.

Toutefois, malgré ces diverses ressources en capital, les agriculteurs sont désormais sous la pression  des exigences de productivité et de qualité et devant des pressions commerciales et financières liées à des ateliers de production de plus en plus importants et complexes, face auxquelles les conjointes compensent de moins en moins - voire plus du tout - leurs absences entraînées par leurs engagements, notamment par leur mandats politiques communaux et/ou intercommunaux.

Depuis les années 1970, les communes dont ils sont maires se sont aussi profondément renouvelées au plan sociologique sous l'effet des mouvements villes-campagnes, alors que dans le même temps l'espace intercommunal s'est transformé, entraînant notamment une politisation chronique de l'engagement local.

Le maintien à terme des mandats politiques locaux par le groupe professionnel agricole sera fonction de leur capacité à renouveler l'articulation entre leurs capitaux professionnel et politique. L'enjeu est d'importance pour une profession qui, même si elle est très minoritaire jusque dans le milieu rural, occupe toujours la plus grande part d'un territoire aujourd'hui convoité par de multiples forces économiques et sociales.


  • Vous avez soutenu à Nantes, en tant qu'étudiant à l'UFR de sociologie et intégré le laboratoire le Centre Nantais de Sociologie (CENS), pouvez-vous nous redonner votre parcours à l'université de Nantes ?

Je suis titulaire d'un diplôme d'Ingénieur Agricole obtenu en 1986 à l'INPSA de Dijon (21). En 2005 j'ai repris un cycle universitaire à Nantes au Cens  tout en continuant mon activité professionnelle à temps plein. J'ai successivement  préparé un Master Recherche en Sociologie soutenu en 2007, puis ma thèse de Doctorat soutenue en 2015.


  •  Maintenant que ce travail de recherche conséquent est achevé, quelles sont vos activités ?

Je suis formateur dans un établissement d'enseignement agricole à Bressuire (79). J'y enseigne depuis 1986 des cours d'économie et de sociologie rurale auprès d'étudiants BTS Agricole, option Gestion de l'Entreprise Agricole. Je suis coordinateur pédagogique du pôle enseignement supérieur de cet établissement scolaire. Agé de 60 ans, je pense cesser mon activité professionnelle dans l'année en cours pour me consacrer à la publication de ma thèse.


Mis à jour le 03 mars 2016 - Johanna ROUSSEAU.
https://cens.univ-nantes.fr/le-capital-politique-des-agriculteurs-entre-declin-resistance-et-conversion-le-cas-des-maires-agriculteurs-dans-les-deux-sevres-these-de-philippe-bidet-emeriau